vendredi 29 avril 2011

La perte d'appétit

Le rêve de toute personne qui souhaite mettre un frein sur sa consommation de nourriture, et pas uniquement lorsque celle-ci semble abusive : la perte d'appétit !  Souvent liée à la perte de poids, elle peut pourtant dissimuler une cause nécessitant un suivi médical: infection, dépression, anorexie, anémie, cancer, chagrin d'amour, etc.

Avoir un bon appétit est souvent synonyme de bonne santé et de plaisir. Le besoin de se nourrir, bonifié par le plaisir trouvé dans le choix des aliments ou dans le rituel de la préparation, dans les mariages de couleurs, odeurs, saveurs, dans le partage du repas avec des personnes significatives, devient fête. Manger devient alors un plaisir plutôt que le geste simple et technique de répondre à un besoin physiologique primaire.

À l'inverse, la perte d'appétit nécessite que l'on se questionne sur ses causes. Perte de motivation? Soucis majeurs? Stress? Autres observations physiques ou psychologiques pouvant potentiellement expliquer ce nouvel état?

L'appétit étant de nature immatérielle, le chercher à proprement parler s'avèrerait inutile. Contrairement à des pertes tangibles (nous y reviendrons), l'appétit ne peut se retrouver sur le coin d'un comptoir, dans une poche, sous un divan ou sur la banquette arrière d'un taxi. Les premiers pas à faire pour retrouver l'appétit se doivent d'abord d'être un regard posé sur soi, puis une investigation médicale pour compléter le portrait global. Un diagnostic pourra alors être posé, un traitement proposé et l'appétit éventuellement retrouvé.

Notez qu'un appétit perdu depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois pourrait être effarouché de retrouver son propriétaire. Une période de réadaptation pourrait être nécessaire entre l'individu et son appétit. Comme pour tout acte de séduction, l'usage de doigté, de spontanéité et d'élégance est conseillé de la part du sujet pour amadouer l'appétit, le rassurer, lui redonner le goût de vivre. Cela peut se traduire par des offrandes particulièrement gastronomiques, des portions dites "agaces", des pots-de-vin déguisés en chocolats fins, des flatteries gustatives.

Il est également pertinent de souligner que la perte d'appétit peut être accompagnée de perte d'entrain et/ou de poids (ça aussi nous y reviendrons). Nous pouvons même affirmer ici que les un sont les conséquences directes de l'autre.

Si la perte suscite habituellement un réflexe d'inquiétude, la perte d'appétit peut parfois être perçue positivement si ses effets entraînés ont des conséquences souhaitées sur l'ensemble du fonctionnement du corps. Cependant, elle ne doit jamais être prise à la légère.

mardi 26 avril 2011

La perte de temps


La perte de temps consiste à égrener ce dernier comme si l’on disposait de cette denrée de manière tellement suffisante que l’on pouvait se permettre de le dilapider indûment. La perte de temps est arbitraire, c’est-à-dire que ce qui constitue une perte de temps pour vous ne l’est pas nécessairement pour moi.

La perte de temps affecte de 98.4 à 100% de la population un jour où l’autre de son existence et ne peut être évaluée comme telle que par le propriétaire-générateur de la perte.

Notez que ce qui vous apparaît comme investissement de temps utile aujourd’hui pourrait vous sembler une perte de temps avec un certain recul. Ainsi, vous pourriez penser que la relation amoureuse dans laquelle vous investissez de vous-même depuis bientôt quatre ans est garante d’un juste retour d’investissement de la part de votre partenaire et découvrir sous peu que ce que vous croyiez avoir de la valeur n’en avait pas réellement. Avec du recul, la relation pourrait alors vous apparaître comme une perte de quelques unes de vos belles années et donc, en quelque sorte, une misérable perte de temps.

La perte de temps peut difficilement être contrée par quelles que mesures sinon un contrôle restrictif et contraignant. En milieu de travail, certains employeurs voient là la solution. Pour cette raison, l’autodiscipline est à privilégier (prière d’insérer ici un éclat de rire gras, surtout si vous êtes un procrastinateu de gros calibre).

Perdre son temps peut également parfois être salutaire. Dans l’inaction ou l’absence d’actions productives germent parfois de grandes idées mais il est inutile de tenter de justifier vos nombreuses pertes de temps avec ce dernier argument. On finirait par ne plus vous croire, surtout si au final vous ne livrez rien.

Notez également que prendre son temps n’équivaut pas nécessairement à perdre son temps. L’un est valorisé, prisé et nécessaire pour la santé mentale tandis que l’autre est définitivement drainant, contribue à nourrir une mauvaise image de soi et finit par faire de vous, à force de répétition, un fainéant, un incapable, une loque. Comme pour les autres types de perte, c'est péjoratif.

Observez les nuances dans la sémantique entre le positif et le négatif: prendre son temps vs perdre son temps...Savoir prendre son temps = savoir prendre soin de soi est une qualité par opposition à la perte qui suggère une gestion déficiente....

Je conclus sur cet angoissant poème de Baudelaire magnifiquement illustré : L'horloge .

lundi 25 avril 2011

La perte de contrôle

La perte de contrôle est un type de perte non négligeable. Elle survient quand un individu, dans une situation donnée, a le sentiment de ne plus contrôler les manifestations des sentiments qui émanent de lui. Le sujet laisse alors le plus souvent contre sa volonté des réactions émotives plus que rationnelles régir ses actes. Cela peut se manifester par une incapacité à demeurer calme, à relativiser avec objectivité, à prendre du recul par rapport à la situation (souvent) irritante, à s'exprimer sans fougue ni fiel. 

C'est souvent lors de ces situations que l'on entend les propos: "Ses gestes ont dépassé sa pensée", "Je regrette de t'avoir giflé (même si ce fut secrètement plaisant)" ou encore "Pardonne-moi d'avoir lancé par la fenêtre le moulage en verre de Murano que ta mère t'avait ramené de Venise."

La perte de contrôle peut également se produire en parlant d'un individu qui ne maîtrise plus son véhicule. Par exemple, en roulant à haute vitesse sur une chaussée enneigée ou à moyenne vitesse tentant d'éviter de justesse un renard traversant la voie à la poursuite dangereuse d'un lièvre affolé (notez que l'animal peut également être un chevreuil mais à ce moment, il ne serait pas à la poursuite d'une proie, les chevreuils étant herbivores), il peut arriver que malgré les manoeuvres du conducteur, celui-ci ne réussisse pas à contrôler les réaction du véhicule. On parle alors de perte de contrôle (le véhicule pouvant agir comme une extension du soi, mais pas nécessairement -en fait c'est comme vous préférez).

Il existe différents moyens pouvant aider les individus sujets à des pertes de contrôle. Par exemple, pour éviter de perdre le contrôle de son véhicule, un individu pourrait choisir d'utiliser plutôt le transport en commun. Un individu ayant tendance à frapper violemment de ses poings une table lorsqu'il est question de politique pourrait décider d'écouter le débat des chefs mains liées ou encore éviter de côtoyer des sujets ayant des opinions politiques trop tranchées ou opposées aux siennes, ou encore préférer l'isolement aux rencontres sociales menaçant son self-control.

Le sujet pourra également choisir d'entreprendre une thérapie l'aidant à plonger pacifiquement au coeur de ses émotions confrontantes pour apprendre à se réconcilier avec elles.

Au final, la perte de contrôle -comme la majorité des pertes- a elle aussi cette consonance péjorative, cette forme de "manquement', non?

À votre tour ! Racontez-nous pour quelle raison vous perdez le contrôle -sans nécessairement tout démollir- et vos trucs pour respirer par le nez !

mercredi 20 avril 2011

La perte d'un membre

Le phénomène du membre fantôme, vous connaissez ? Mais si, vous en avez déjà entendu parler, il s'agit du membre amputé pourtant encore ressenti comme intact par son propriétaire dans les semaines, voire les mois qui suivent son amputation.

D'accord, pour introduire la question de la perte, on débute durement ! Je promets d'être plus soft la prochaine fois ! La question est vraiment intéressante, voire mystifiante. Voici donc le phénomène en question.

Presque immédiatement après la perte d'un membre, de 90 à 98% des personnes amputées ressentent encore sa présence. Il fut observé que plus le membre amputé était souffrant avant l'amputation, plus son propriétaire ressentira fortement sa présence une fois qu'il n'y sera plus. Le même phénomène est observable si l'amputation est due à un fort traumatisme.

On a observé que le phénomène des membres fantôme était moins courant chez les jeunes enfants. Ainsi, d'après les études d'un certain Simmel, les fantômes apparaîtraient (non sous le lit ou dans la garde-robe) mais bien chez 20% des enfants âgés de 2 ans, 25% entre 2 et 4 ans, 61%  entre 4 et 6 ans, 75% entre 6 et 8 ans et dans 100% des cas d'enfants de 8 ans amputés. Fascinant, non ?

On explique l'absence de fantôme chez les jeunes enfants par le fait que "le temps de la reconstruction de l'image du corps définissant la limite de soi physique dans l'espace, à la façon dont un enfant a une vision des perspectives évoluant avec sa taille, est essentiellement celui obtenu par la rééducation et l'acquisition de mouvements compensatoires palliant les désordres nouveaux." (wikipedia) En bref, plus le patient a vécu longtemps avec son corps physique intact, plus la reconstruction du schème mental sera longue à ériger, puis intégrer. De la même manière, si un jeune enfant naît avec un membre manquant, il ne ressentira point ce qui aurait pu être.

Le plus souvent, le fantôme se dissipe quelques semaines après l'amputation. Dans 30% (Sunderland) des cas cependant, les fantômes persistent encore après plusieurs décennies ! Plusieurs peuvent même "réveiller" leur fantôme en stimulant leur moignon ou par une forte concentration.

Pour une personne amputée de la main, exécuter des mouvements volontaires avec son membre absent ne semble pas causer de problème : fermer le poing, envoyer la main, contrôler ses doigts d'une manière distincte ou décrocher le combiné de téléphone : la sensation y est ! Certains ressentent même la sensation de leur montre à leur poignet inexistant ! Bien entendu, certains facteurs peuvent augmenter ou atténuer l'effet fantôme selon l'historique de chaque patient.

Observation intéressante : lorsqu'un membre est perdu de façon progressive comme chez un patient lépreux, la sensation de fantôme est inexistante, le moignon ayant été intégré progressivement à l'image mentale de son corps. Il semblerait cependant que si l'amputation (dans un cas de gangrène, par exemple) vient "compléter" de manière prématurée l'intégration du "nouveau corps" (avec moignon), le patient régressera et réintègrera son ancienne image personnelle de "personne complète", laissant pour compte de manière inexpliquée l'image personnelle tenant compte du  moignon.

De nombreuses études ont tenté de comprendre le phénomène du membre fantôme. Certains auteurs dits occultistes dont le théosophiste Arthur R. Powell (1925), adhérant à des doctrines ésotériques sur l'existence de corps subtils, proposent que le membre ressenti est en fait l'équivalent éthérique du corps physique. Les deux corps étant distincts et l'éthérique se dissolvant plus lentement que la partie physique, le patient ressentirait toujours la partie invisible mais non moins existante de son membre manquant.

Des théories psychologiques ont quant à elle proposé que la présence du membre absent ressentie résulterait en fait d'une certaine culpabilité ou de colère de la part de la personne amputée vis à vis les changements avec son environnement.

Les théories explicatives qui demeurent les plus répandues et appuyées demeurent les théories neurophysiologiques, qui impliquent de complexes interactions entre le système nerveux et le cerveau et que je ne me donne pas le mal de synthétiser. Voici donc un honnête et humble copié-collé de wikipedia détaillant la chose : 

"D’autres chercheurs, notamment Ronald Melzack et R.W. Davis, proposent des explications différentes : la douleur fantôme ne proviendrait pas de la périphérie, mais du système nerveux central, du cerveau lui-même. Melzack propose d'abord sa théorie du portillon ou « gate control theory » qu’il complète quelques années plus tard par son hypothèse du « Central Biasing Mechanism » ou Mécanisme d’Inhibition Centrale, puis par des explications sur le « Central pain Mechanism » ou Mécanisme de la douleur centrale. Les travaux récents de Melzack nous permettent de comprendre encore mieux le phénomène de la douleur fantôme à partir du concept de neuromatrice qui produirait une neurosignature. La neuromatrice, réseau des neurones, produirait de façon constante un patron caractéristique d’influx indiquant que le corps est intact et propre à la personne : c’est la neurosignature (Melzack, 1992). Une telle matrice fonctionnerait en l’absence d’influx sensoriels provenant de la périphérie du corps, ce qui créerait l’impression d’avoir un membre, même en son absence. Pour Melzack, la neuromatrice, prédéterminée génétiquement, peut aussi évoluer avec l’expérience. C’est pourquoi, l’expérience permettrait d’emmagasiner la mémoire d’une douleur. Cela pourrait expliquer la réapparition fréquente de douleurs pré-amputatoires dans le fantôme."

Je conclus sur une question : si la perte d'un membre fait d'un sujet, physiquement parlant, une personne "incomplète", la perception sociale porte-t-elle atteinte à sa dignité? Et qu'en est-il de sa propre perception?  Va-t-elle dans le même sens que le fantôme: le temps d'intégrer le schème mental de son nouveau corps est nécessaire...?

Lien intéressant: Lorsque la réalité virtuelle soulage les membres fantômes

mercredi 13 avril 2011

La perte

Après recherche et réflexion, un postulat: on aime, espère et valorise le gain. Fondamentalement, l'homme a besoin de posséder. Par opposition, la perte, avec sa consonance péjorative, suggère une incapacité, un mauvais contrôle de ses acquis, un lâcher-prise maladroit et involontaire.

La perte, enjeu fondamental et souvent honteux de notre société obsédée par la rétention et le gain. Profondément d'actualité, elle se manifeste sous plusieurs déclinaisons. Depuis la perte d'estime personnelle à la perte de cheveux, de la perte de densité osseuse à la perte de mémoire, la perte mérite qu'on lui accorde l'attention qui lui revient sans honte . Elle mérite de se retrouver dans un discours polarisé vers la suggestion positive afin de retrouver ses lettres de noblesses en dépit du pouvoir social dominant et omniprésent de son opposé le gain.

Visant à rassembler différents types de pertes, à les démystifier et les documenter, ce blogue se veut également un espace pour y jeter un regard renouvelé.

Bienvenue !