mardi 5 juillet 2011

Bilan : la mère et les médias sociaux

Si il y a déjà plusieurs décennies les femmes trouvaient en leurs familles, leurs voisines, leurs amies et membres de différentes associations leur sentiment d'appartenance, l'effritement du tissu social tel qu'on le connaît n'a pu faire autrement que d'avoir sur celles-ci une incidence majeure.

L'être humain grégaire que nous sommes n'a cependant pas dit son dernier mot. Dans notre société occidentale individualiste, il a trouvé le moyen de se lier aux autres en s'adaptant. Comme il le fait depuis des milliers d'années.

Un sentiment d'appartenance

Si l'amorce d'une nouvelle relation ne se fait pas de la même manière sur le web ou en personne, le besoin de socialiser qui pousse l'homme à aller vers ses pairs demeure le même. Il fait partie des besoins humains reconnus dans la pyramide de Maslow.


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Tel que nous l'avons vu dans le cours, le capital social souvent agonisant des mères à la maison a su trouver un puissant levier de socialisation dans l'avènement du web. Les forums de discussions, nés il y a une quinzaine d'années, ont permis à nombre d'entre elles (dont je suis) de retrouver un lieu d'échange, d'accès à l'expression, à l'information. Salvateur, ce lieu leur a également permis de développer un sentiment d'appartenance à une communauté partageant une réalité et des intérêts semblables. Virtuelle, cette communauté et ses bienfaits n'en sont pas pour autant moins réelles chez les principales intéressées.

Tout individu trouve dans son environnement immédiat (famille, collègues, partenaires sportifs, etc.) les échanges et la rétroaction nécessaire pour développer une image positive de lui-même mais ceux-ci se font plus rare lors de situations d'isolement prolongées comme celle mentionnée précédemment. Un sondage mené en Grande-Bretagne en 2007 relate que 53% des nouvelles mamans se sentent seules et isolées. Tel que mentionné dans l'article publié sur le site de mamanpourlavie, 
9 nouvelles mamans sur 10 s'ennuient de la vie sociale qu'elles menaient avant l'arrivée de leur enfant. Pas étonnant qu'elles trouvent compensation dans une vie sociale en ligne qui leur permet de briser l'isolement !

Lieux d'échange horizontalement structurés, les forums de discussions n'en demeurent pas moins informellement hiérarchisés (bien que "l'ordre public" soit régi par un modérateur auxquels sont conférés certains "pouvoirs"), comme n'importe quel groupe. Même dans un environnement virtuel, les leaders d'opinions et les forts pensants se distinguent, les épigones "suivent", certains participants sont présents mais discrets, d'autres sont discrets tandis que certains sèment la controverse ou la zizanie. Bref, virtuelle ou pas, une communauté demeure une communauté avec toutes ses composantes habituelles. Maintes relations sont mêmes "transférées" dans la vie hors de l'écran (on appelle GT -pour Get Together- les rencontres de groupe) pour poursuivre leur évolution. 

Comme nous l'avons vu dans le cadre du cours: "Internet serait un espace où cette intelligence multiple peut se connecter. La connexion serait garante d’une opportunité plus grande que la somme de ses composantes. Nous avons vu dans ce cours de multiples exemples où la « mise en commun » d’idées, d’efforts ou de ressources a ouvert des voies inédites à la coopération, la collaboration et la réussite de projets auparavant difficiles voire impossibles à réaliser."

Bien que les forums de discussions fassent toujours légion en dépit du déclin de leur popularité, l'apparition des médias sociaux a au fil des dernières années gagné largement en popularité, répondant aux mêmes besoins mais dans un format différent permettant l'usage de verbes, options de partage et l'instantanéité. À travers une toile de blogueurs aux intérêts multiples, des réseaux sociaux se tissent et traversent quelquesfois au fil des échanges la barrière du virtuel.

Des communautés solidaires

Quel lien d'attachement peut-il exister entre des membres d'une communauté avant qu'ils ne se soient côtoyés dans la dimension physique de leur vie? Est-il possible de développer des liens durables, de la confiance, de la solidarité envers des étrangers? 

De toute évidence, oui. S'il existe des codes de comportement de groupe tacites dans les communautés web, ceux-ci contribuent à nourrir leur culture de communauté. Les communautés de mères en ligne développent une puissante solidarité. Il n'y a qu'à penser à cette histoire dans laquelle une femme mère et blogueuse fut chassée d'un magasin où elle allaitait son enfant. À ce jour, son billet blogue à ce sujet a généré près de 200 commentaires de soutien, près de 5600 signatures sur une pétition visant à faire respecter le droit des femmes d'allaiter en public, pétition déposée à l'Assemblée nationale le printemps dernier, en plus de générer de nombreux débats publics médiatisés autour de l'allaitement.

De nombreuses blogueuses ont ramené sur leur propre espace de discussion leur opinion ou encore l'ont relayée via Facebook ou Twitter. Les communautés de mères sur le web représentent un véritable lobby. La dame concernée a d'ailleurs reçu des excuses publiques de la part du bureau-chef du magasin.

Des situations comme celles où une jeune maman blogueuse et membre d'une communauté sur un forum annonce sur son espace web le décès de son petit garçon ont généré plusieurs centaines de commentaires de soutien. Ce soutien n'est pas que virtuel. Des membres se mobilisent, s'organisent, se cotisent, se déplacent. Dans plusieurs cas, la force et le soutien de la communauté est supérieure à celles reçues par l'entourage immédiat.
  
Le sentiment d'appartenance à la nouvelle communauté de la jeune mère de famille se prolonge et se consolide dans le temps à travers de nouvelles plates-formes. De la fréquentation des forums, puis des blogues, les réseaux de sympathisantes ont poursuivi le dialogue sur les réseaux sociaux. Facebook, Twitter et cie. Brian Solis, expert reconnu en relations publiques et réseaux sociaux, a compilé plusieurs données témoignant de la prépondérance de la fréquentation féminine sur les différents réseaux sociaux. 

Une identité en ligne

La pyramide de Maslow illustrée plus haut situe le besoin d'estime personnelle immédiatement après le besoin d'un sentiment d'appartenance. Besoin de s'épanouir à son plein potentiel, de s'exprimer, de recevoir de la rétroaction pour établir et consolider sa place au sein de ses semblables, d'entretenir à travers les autres une image positive de soi-même, tout cela contribue au développement d'une image saine et valorisante de soi-même. 

Au sein de sa communauté en ligne, le nouvel utilisateur de médias sociaux sera appelé à forger son identité au fil de ses interactions avec autrui, des idées, réflexions et opinions qu'il partagera, du ton qu'il emploiera et de sa capacité à respecter les codes sociaux du groupe.
L'apparition des réseaux sociaux en ligne ont permis à ses utilisateurs de partager souvent en temps réel une multitude de liens, idées, articles, photos, vidéos, etc. Obtenir une information, une opinion est devenu un jeu d'enfant avec un réseau quasi en permanence connecté. Même dans les moments les plus isolés du quotidien (nuit, transport en commun, etc.), vous  n'êtes jamais seul, votre réseau est au bout d'un simple clic !
De la qualité d'une identité en ligne peut résulter l'inattendu. Je ne parlerai pas des cas que nous avons vus dans le cours (Star Wars man) mais de situations ravissantes qui ont ouvert des portes professionnelles à plusieurs blogueurs selon la crédibilité qu'ils avaient gagnée. 

Par la qualité du contenu proposé par Caroline Allard alias Mère Indigne, tout comme son collègue Pierre-Léon Lalonde du blogue Un taxi la nuit, se sont vu offrir par la maison d'édition Septentrion de publier un recueil de leurs écrits. Leur notoriété en ligne a donc traversé naturellement l'écran pour devenir une opportunité tangible mettant en valeur dans un autre média (plusieurs médias dans le cas de Caroline Allard) leur talent, leur maîtrise de leur contenu, la singularité de leur style et la qualité de leur présentation en ligne.

Et l'avenir ?

Il y a fort à parier que l'identité en ligne n'a pas terminé de mettre en valeur de nouveaux talents, chroniqueurs, de découvrir des influenceurs dans leurs domaines respectifs. D'ailleurs, ces derniers sont sollicités depuis quelques années déjà par différentes agences marketing et relations publiques pour diffuser de l'information sur les produits et services de leurs clients. Certaines entreprises comme mom central proposent même des initiatives marketing qui permettent de jumeler des blogueurs influents à des produits que des entreprises désirent mettre en marché et "pousser" auprès d'une clientèle ciblée aux allures de lectorat. Les mères blogueuses influentes (cela est mesurable avec certains outils web comme technocrati) ont donc une valeur marchande grandissante.

Nul doute que la tendance des agences de relations publiques à utiliser certaines figures fortes des blogues et des médias sociaux ne cessera d'augmenter d'ici les cinq prochaines années. Ces médias représentent une excellente vitrine de crédibilité pour les rédacteurs. Google permet même la rentabilisation de ses blogues par des options publicitaires comme AdSense.

D'ici la prochaine année, il est à prévoir que l'effet de séduction opéré par le géant du réseautage social Facebook sur de nouveaux membres et des membres déjà inscrits perdra de ses pouvoirs. La question de vie privée et de protection des données personnelles étant un souci de plus en plus considéré par les utilisateurs, l'effet dissuasif se fait sentir. D'ailleurs, la tendance s'observe déjà depuis deux mois selon le site d'observation marketing Inside Facebook.  Chez nos voisins du sud, 6 millions de membres ont supprimé leur compte en mai dernier. Au Canada, ce sont plus d'un million et demi d’utilisateurs qui ont déserté définitivement le site de réseautage. Le même tendance s'est enregistrée au Royaume-Uni, en Norvège et en Russie le mois dernier. Lassitude? Engouement dépassé? Migration vers le nouveau site de réseautage Google+? Protestation contre le non-respect de la vie privée des membres inscrits? Peut-être un peu de tout cela. Le rapport d'Inside Facebook ne spécifie cependant pas le profil des déserteurs, donc impossible de savoir si les femmes -souvent plus socialement isolées- tiennent plus à "leur" réseau que les hommes.

Pour la première fois au Québec en décembre 2010, le magazine Coup de Pouce a organisé une journée de conférence nommée Belle à bloguer, dans laquelle différents ateliers étaient proposés à plusieurs dizaines de blogueuses dont certaines reconnues et influentes. La conférence a connu un tel succès que l'initiative sera probablement répétée.

À moyen terme (d'ici cinq ans), les réseaux sociaux devraient continuer de permettre l'émergence de nouveaux talents web chez les mères professionnelles et offrir des opportunités nouvelles aux acteurs qui se distinguent. Certaines mères temporairement à la maison pour s'occuper de la marmaille devraient pouvoir tirer profit de leur expérience de blogueuse à titre professionnelle. L'une d'elles me confiait récemment avoir décidé, suivant la stratégie d'une amie conseillère en ressources humaines, de rajouter ses années d'expérience de blogueuse influente à son curriculum vitae. Peu après ce changement, le téléphone s'est mis à sonner. La perception de la crédibilité du blogueur (et ici, spécifiquement de la blogueuse) est littéralement en train de changer. Ce dernier n'est plus un  pseudo-journaliste comme on l'a souvent désigné mais un acteur-observateur pouvant apporter une vision, un angle, une subjectivité désormais recherchés aux sujets qu'il propose. Son potentiel est non seulement remarqué mais également recherché et reconnu comme une expérience.

Dans le secteur professionnel des communications, auquel se greffent naturellement des médias sociaux, l'expérience personnelle de l'utilisation est qualifiable.

Dans les secteurs spécialisés, certains blogueurs ont même fait de leur passion un gagne-pain. C'est le cas d'Isa, du blogue Les gourmandises d'Isa, qui compte des centaines de membres et qui bénéficie de partenariats avec différents fournisseurs de produits de cuisine. La notoriété de la blogueuse n'est plus à faire, a été construite sur le web, est relayée dans les médias sociaux et est parfois citée ou publiée dans des publications papier. La tendance est prometteuse.

Enfin, les médias sociaux et l'ubiquité qu'ils permettent, bien que l'on puisse devenir dépendants de leurs possibilités quasi infinies, ne remplaceront jamais le contact humain. Si à certains moments de nos vies ils sont des facilitateurs de rencontres, d'amour ou d'amitiés nouvelles, il est quasi inévitable que survienne une forme de saturation forçant la rencontre chaleureuse, tangible avec ses pairs. Les médias sociaux sont un moyen d'entrer en contact, non une finalité en soi. Selon une étude menée par le Pew Research Center, l'usage des réseaux sociaux incitent à faire davantage confiance à ses pairs et encourage également le développement de liens dans la vie réelle. Les médias sociaux, bien
qu'outils devenus indispensables dans plusieurs aspects de nos vies (partage de liens, photos, vidéos, etc.), demeureront, à long terme, un levier social favorisant la richesse des contacts et la bonification du sentiment d'appartenance nouveaux et déjà existants.